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Photo du rédacteurIkram Hichami

Uber Files : ce qu’il faut retenir du scandale qui met en lumière les dérives du géant des VTC

Dernière mise à jour : 11 août 2022

Les Uber Files, une enquête menée par le Guardian avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), mettent en lumière les pratiques controversées du mastodonte mondial des VTC pour se développer au niveau international.




Depuis son arrivée à la tête d’Uber à l’été 2017, Dara Khosrowshahi s’était attelé à réparer les dégâts causés par son fondateur sulfureux, Travis Kalanick. Après plusieurs années à tenter de redorer le blason du géant américain des VTC, qu’il a introduit en Bourse en mai 2019, et à faire le ménage dans les lignes d’activité de la firme californienne pour la rapprocher de la rentabilité, l’ancien dirigeant d’Expedia doit affronter une nouvelle tempête avec les Uber Files, une enquête réalisée par le Guardian avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).

Cette enquête, qui s'appuie sur près de 124 000 documents datés de 2013 à 2017, met en lumière les pratiques controversées du mastodonte mondial des VTC pour se développer à l’échelle internationale. Cette fuite de milliers de documents internes, qui comprennent des e-mails et des messages des dirigeants d’Uber sur cette période, ainsi que des notes, des factures ou encore des présentations PowerPoint, révèle que la plateforme américaine n’a pas hésité à flirter avec les limites du cadre légal dans les différents pays visés, ni à s’acoquiner avec des personnalités politiques pour adoucir des réglementations qui freinaient son développement.

UBER Uber est une application mobile qui permet aux particuliers de trouver un chauffeur (VTC) pour se rendre d’un endroit à un autre. Le prix et la durée du trajet sont indiqués au moment de la réservation de la course.



Une campagne de lobbying très agressive

On apprend ainsi que le groupe de San Francisco possède une liste de plus de 1 850 "parties prenantes", comme des fonctionnaires, des hommes politiques et des groupes de réflexion, dans une trentaine de pays. Dans ce cadre, Uber a cherché à nouer des liens étroits avec des personnalités influentes, comme Emmanuel Macron quand il était ministre de l’Économie de 2014 à 2016, Benyamin Netanyahou, le premier ministre israélien de l’époque, ou encore Enda Kenny, le premier ministre irlandais alors en place. L’entreprise américaine s’est également rapprochée d’oligarques russes proches de Vladimir Poutine, tentant de les séduire en échange de bons de souscription d’actions (BSA).

Afin de constituer son armée de lobbyistes, Uber a proposé des cadeaux à des hommes politiques, comme des déjeuners dans des établissements prestigieux et des réductions sur les trajets en Uber. Cette approche a permis d’attirer notamment Jim Messina, ancien chef de cabinet de Barack Obama. L’enquête révèle qu’il aurait jouer à un numéro d’équilibriste en Espagne et en Allemagne pour y favoriser l’implantation d’Uber.

Autre figure proche d'Obama, David Plouffe, qui a contribué à sa victoire lors de l’élection présidentielle de 2008, a rejoint Uber en 2014 en qualité de responsable de la communication et des politiques de la firme américaine. Dans le cadre de ses fonctions, il aurait tenu des réunions clandestines avec des responsables américains, à l’image du secrétaire au Travail de 2013 à 2017, Thomas Perez. Mais aussi rencontré des hauts dignitaires dans d’autres pays, comme l’Inde et les Émirats arabes unis, pour les pousser à agir afin de modifier les réglementations en vigueur à l’avantage d’Uber.

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Pour mener son intense campagne de lobbying, Uber, qui avait déjà conquis le marché américain en moins de cinq ans, a déboursé 90 millions d’euros pour la seule année 2016. Avec une enveloppe annuelle de cet ordre, le géant des VTC a cherché non seulement à mettre des personnalités politiques dans sa poche, mais aussi des investisseurs à l’influence très puissante.

Macron, allié de choc d’Uber en France En France, le groupe californien a ainsi convaincu Xavier Niel, le patron de Free, d’investir 10 millions de dollars dans la plateforme. Bernard Arnault, le PDG de LVMH, y a également injecté de l’argent. "Nous n'avons pas besoin de leur argent en soi. Mais ils pourraient être des alliés utiles pour gagner la France", estimait alors Pierre-Dimitri Gore-Coty, directeur général du groupe en Europe de l'Ouest, désormais en charge d’Uber Eats, dans un e-mail faisant référence à Bernard Arnault. Pierre-Dimitri Gore-Coty a également pu compter sur Mark MacGann, le lobbyiste en chef pour la zone Europe, Afrique et Moyen-Orient, sur David Plouffe, l’ancien conseiller de Barack Obama fraîchement nommé vice-président d’Uber, et sur le fondateur et PDG de l’entreprise en personne, Travis Kalanick. Ce sont ces quatre hommes qui sont allés à la rencontre d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, le 1er octobre 2014 pour le convaincre d’œuvrer en faveur de la plateforme de VTC, alors qu’UberPop, le service de transport de passagers par des particuliers, venait tout juste d’être interdit en France avec l’entrée en vigueur de la loi Thévenoud, destinée à mieux encadrer le développement des VTC dans l’Hexagone face à la colère des chauffeurs de taxi. À l’issue de cette réunion, les dirigeants d’Uber sont ravis des échanges tenus avec le patron de Bercy. "En un mot : spectaculaire. Du jamais-vu. Beaucoup de boulot à venir, mais on va bientôt danser", jubile Mark MacGann dans un bref compte rendu envoyé dans la foulée à ses collègues. "Meeting méga top avec Emmanuel Macron ce matin. La France nous aime après tout", écrira-t-il également. Subjugué, Mark MacGann indique alors qu’"Emmanuel Macron a demandé aux régulateurs de ne pas être trop conservateurs". Avec cet allié de choc au sein du gouvernement français, Travis Kalanick se montre suffisamment en confiance pour demander au ministre de l’Économie si Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, peut constituer un obstacle au développement d’Uber en France à l’été 2015. Macron lui répond qu’un "accord" a été trouvé pour intégrer des dispositions favorables à partir d’amendements fournis par Uber.




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